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voyage au bout de la lettre "aimer les mots. aimer un mot, le répéter, s'en gargariser. comme un peintre aime une ligne, une forme, une couleur." écrivait max jacob "je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer." disait oscar wilde… rassurez-vous… ← articles plus anciens 07 février 2010 ca tourne cercles/fictions , texte et mise en scène de joël pommerat. avec agnès berthon, jacob ahrend, saadia bentaïeb, gilbert beugniot, frédéric laurent, serge larivière, ruth olaizola, dominique tack. théâtre des bouffes du nord , jusqu’au 6 mars à 20h30 et 15h30 le samedi. 26 € peut-être est-il rare de trouver un titre seyant aussi bien à ce qu’il désigne ; un titre qui tire son public à ce qu’il renferme, puis éclaire le spectacle de lui-même. ce titre est l’enveloppe, en même temps que la lumière même de la nouvelle création de joël pommerat ; car ses deux termes semblent parfaitement accordés à ce qui s’est passé, devant nous, l’autre soir aux bouffes du nord. cercles/fictions : lequel des deux choisir ? aucun – prenez tout. cercles, fictions : chacun déploie soudain son mystère, son sens. on s’attendait bien à ce qu’il y en ait, alors, des cercles, des fictions ; mais lesquels ? cercles : la belle salle est devenue un cirque. fictions : le théâtre va nous en dire. cercle : on en a fait un cliché, de cette roue du temps ; mais parfois il ne nous reste que le cliché, l’image, pour avoir prise sur ce que l’on aimerait dire autrement, et qui se dérobe. ceci pourrait être une grande fresque éclatée du temps et de la mémoire : la narration, éparpillée en courts moments, suit la scène découpée et construite par la lumière. il semble qu’il revienne aux personnages eux-mêmes ces divers « moments » et « lieux » qu’on nous présente dans des allers-retours à travers l’histoire et les intimités. l’arrivée d’un couple de domestiques, l’annonce de la guerre, le départ de l’homme sont quelques exemples de ce tableau composé ne niant jamais le temps, mais au contraire faisant de l’histoire sa matière et sa force premières, tout en se permettant des libertés avec l’événement chronologique. pommerat mobilise sans cesse des signes d’époques qui ne trompent pas – le chevalier, la salle à manger, la boîte de nuit ; ils nous ancrent, pour un instant, dans un temps donné ; et pourtant, ces signes résonnent si bien entre eux que l’on est de plus en plus « nulle part ». des domestiques écrasés par la drogue ou plutôt par leur tâche d’abandonner un bébé, un futur directeur général halluciné par une clocharde ou par son ambition, tous se perdent. comme dans la pénombre de cette forêt ou de ce parking, on avance à tâtons dans ce nulle part bizarre où le rêve, les angoisses nous côtoient. j’ai pensé à cette histoire policière de james lee burke, mise au cinéma par tavernier l’année dernière, où un vieux général confédéré vient visiter un enquêteur de la nouvelle orléans ; ici, un chevalier agonisant et pascalisant surgit de cette ombre séparant les différentes scènes. les fantômes, tout aussi réels que le reste, viennent se rappeler à notre mémoire et nous accompagnent. ce chevalier fait partie de toutes les fictions qu’on nous raconte : les plus vieilles, celle de la table ronde, comme nos plus contemporaines – celle de nos chevaliers prétendus, dirigeants, directeurs, les entrepreneurs courageux, les patrons héroïques. de l’animateur en blanc au blond pdg battant, du charlatan à un autre c’est une grande panoplie de marchands de sommeil modernes qu’on nous expose ici, une série de discours, de fictions faussement bienveillants. ils le disent eux-mêmes : ils « jouent », et le jeu consiste à « croire ». il ne faudrait pas faire de la pièce profonde de pommerat un simple discours réflexif sur l’art théâtral ; certes on nous y demande de jouer et de croire, et l’on a face à nous des joueurs qui croient peut-être à ce qu’ils font… mais cercles/fictions semble plutôt nous intimer, paradoxalement et par l’absurde, le conseil de ne pas jouer, de ne pas croire à tout cela. toutes ces histoires à dormir debout sont passées au crible ; il y a une résistance en germe dans ce texte ; elle passe parfois par la satire sociale, mais elle se traduit avant tout par l’exposé de souffrances, de troubles qui touchent les relations humaines. c’est sans doute la première fois que l’on a mis mes sens à si rude et jouissive épreuve. ceci est un spectacle qui fait sentir à proprement parler : les odeurs du narguilé de maison, de la forêt humide, du cheval médiéval. ces odeurs ne sont-elles qu’artificielles ? et cette guerre qui hante les alentours, qui gronde, une fiction, un grand jeu, aussi ? non : non, l’affrontement, la compétition des hommes est un cercle sans qui n’a rien d’imaginaire. le dialogue lumineux de tous ces rôles, de toutes ces situations, rendu par une troupe caméléonesque, nous expose étrangement le monde tout en nous en détachant. publié dans théâtre | 11 commentaires 11 novembre 2009 jacques et jacques les enrués le méridien de paris , de jacques réda. (fata morgana) la forme d’une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains , de jacques roubaud. (gallimard) pendant que, tout autour, tout le monde s’est mis à courir, certains marchent. ils traversent la ville à grandes enjambées ; ou bien ils piétinent, car qui plus qu’eux ont le pied dans l’âme comme de véritables piétons ? mais ils ne font pas que marcher, lorsqu’ils marchent. il y a pourtant déjà de quoi faire, quand on marche. mais – non : il leur a pris d’écrire et de faire de la piétonnerie leur monde d’écriture. d’autres avaient, avant roubaud et réda, déjà vu en la ville une nouvelle muse – oui ; pourtant ils sont peu à la sentir encore. suivez ces deux jacques, suivez leur ombre. ils sont de paris, entièrement, mais pas seulement. ils quadrillent la capitale, mais pourraient bien nous parler de tous les lieux du monde. leurs textes sont cette mémoire de la ville qu’il nous faut, quand on la traverse en rapide passant, yeux fermés tant on croit la connaître. il y a, dans leur ombre, les silhouettes fantômes des poètes de la ville, et les nôtres qui suivent les flâneurs par les rues. j’ai découvert l’autre fois le croisement de la rue des envierges et de la rue piat ; c’est grâce à jacques réda . j’avais découvert, il y a quelques mois, les rues venant ou venues de la place de clichy ; c’était avec jacques roubaud . l’un a écrit, en 1997, un livre qu’on dit depuis indisponible, comme on dit ; l’autre a écrit entre 1991 et 1998 cent cinquante poèmes rassemblés dans un recueil dont on dispose. il faut avoir des poches pour ces livres-là : l’un dans l’une, l’autre dans l’autre. mais sans doute on ne réussirait pas à les caser dans les poches – tant on y met déjà d’autres choses que des livres, tant on a peur peut-être d’y abimer les ouvrages, et tant on a, finalement, plus de textes en tête que dans nos poches. alors qu’on met les nôtres dans les siens, jacques réda a mis ses pas dans ceux d’arago. le bonhomme du boulevard. celui qui a érigé à paris son méridien. nous avons désormais ce nouveau méridien sur le méridien de paris, déambulation imagée à la recherche des marques enfouies de ce tracé de la ville, grand voyage mis sur quelques pages ornées de bien peu de mots, mais si tendres. de son côté, jacques roubaud travaille le sonnet, et c’est son méridien à lui. cette tranquille assemblée de poèmes renferme une assemblée de rues accumulées, rieuses comme ceux qui se les partagent ne savent pas l’être. enruons-nous ! (dessin de sempé) publié dans littératures de langue française | 11 commentaires 01 novembre 2009 pour le monde de quignard les ombres errantes. dernier royaume i , de pascal quignard. (grasset) 17 € c’était l’heure : au moment où sort sa barque silencieuse , l’heure de taper sur quignard. cela était déjà arrivé auparavant peut-être ; mais on en connaît qui aujourd’hui tapent sur quignard. quand d’autres petits veaux de la rentrée sont loués, et vendus surtout,